Le Baccara, jeu emblématique d'origine italienne, a fait son apparition dans le paysage des casinos français peu avant le XVIe siècle. Ce jeu se décline principalement en deux variantes : la première est connue sous le nom de « chemin de fer », où il n’y a qu’un seul tableau de mise, tandis que la seconde, « banque », implique deux tableaux, permettant ainsi une participation accrue de plusieurs joueurs. Dans le cadre de la version « banque », on distingue aussi la banque limitée, dotée d’un plafond de mise, et la banque ouverte, souvent appelée « banque à tout va ». Les règles sont assez similaires pour ces deux variantes, mais certaines différences subtiles peuvent influencer le déroulement des parties.
Le baccara à un seul tableau (chemin de fer)
Casino de Deauville
Le Baccara, version chemin de fer, utilise six jeux de 52 cartes – ce qu'on appelle un « sixain » – placé dans un sabot, après avoir été minutieusement mélangé par le croupier et coupé par l'un des joueurs. Le croupier a pour rôle d'organiser la partie, sans pour autant participer au jeu. Ainsi, la compétition se joue principalement entre les neuf joueurs assis autour de la table, chacun d'eux prenant, tour à tour, le rôle de banquier. La banque fait circuler d'une main à l'autre dans l'ordre des numéros attribués aux joueurs autour de la table. Au cours de chaque partie, tous les joueurs (appelés pontes) qui ont placé des mises jouent contre le banquier, mais seulement un d'entre eux recevra les cartes à chaque tour.
Le jeu proprement dit commence par une phase d'enchères. Lorsqu'un joueur prend le rôle de banquier, qui est toujours le premier joueur assis à la droite du croupier, il choisit le montant qu'il souhaite mettre en jeu. Le croupier annonce alors la somme que le banquier vient de déposer sous forme de jetons et demande qui souhaite faire le banco, c'est-à-dire qui se porte volontaire pour égaler la mise du banquier. Cette phase permet aux joueurs autour de la table de s'exprimer. Si aucun joueur assis ne souhaite s'engager, les joueurs debout autour de la table peuvent éventuellement participer.
Les deux annonces principales que l'on entend autour de la table sont « banco ! » et « avec la table ! ». En clamant « banco ! », un joueur signale son intention de miser le même montant que le banquier, et ils rivaliseront l'un contre l'autre sans que les autres joueurs n'interviennent financièrement. L'expression « avec la table », qui signifie « banco avec la table », est utilisée par un joueur qui accepte de parier plus de la moitié de la mise du banquier, mais sans l'égaler totalement. Il profite alors de l'occasion pour inviter les autres joueurs, constituant ainsi la « table », à contribuer pour atteindre l'égalité avec la mise du banquier. Le croupier intervient en annonçant le montant nécessaire pour compléter l'enchère. Par exemple : « il y a 250 € à faire ! Qui complète ? ». Plusieurs pontes peuvent alors ajouter leur mise. En fin de compte, seuls deux joueurs recevront des cartes : le banquier et soit celui qui a décidé de faire banco seul, soit le joueur ayant parié « avec la table », ou encore celui ayant misé le plus. Le jeu de cartes peut alors commencer. Chaque carte est comptabilisée selon sa valeur nominale : ainsi, le deux vaut 2, le sept vaut 7, et ainsi de suite. L'as vaut 1, tandis que les figures (ou « bûches ») ainsi que le dix valent 0. Le total des points réalisés à partir de plusieurs cartes ne prend jamais en compte les dizaines : par exemple, deux six (qui totalisent 12) ne valent que 2, et trois sept (qui totalisent 21) ne valent que 1. Par conséquent, le maximum réalisable à cette table est de 9. La règle du jeu est simple : le joueur ayant la main la plus élevée remporte la partie.
Tapis de baccara
Chaque joueur commence la partie avec deux cartes. Ils doivent alors évaluer leurs chances de faire mieux en demandant une carte supplémentaire. Cependant, ils doivent faire attention à ne pas dépasser 9, car cela entraînerait une main de faible valeur. Par exemple, si un joueur a un total de cinq et tire ensuite un six, la valeur de sa main redescend à un !
Le ponte a le privilège de parler le premier, tandis que le banquier se tient prêt à tirer une carte du sabot. Les annonces possibles du ponte incluent : « huit », « neuf », « non » ou « carte ». Si le ponte annonce l'une des deux premières options, la partie se termine immédiatement : cela signifie qu'il a 8 ou 9 points en main. À ce moment-là, il révèle ses cartes, et le banquier fait de même. Celui qui a la meilleure main l'emporte, ou si les deux mains sont identiques, la partie est déclarée nulle. Il arrive également que le banquier puisse annoncer « huit » ou « neuf », mais cela doit se faire avant le ponte. Dans cette hypothèse, les deux joueurs devront également dévoiler leur jeu. Si le ponte dit « non », il indique qu'il ne souhaite pas demander de carte. Cette décision permet au banquier de conserver sa possibilité d'en tirer une. Si le ponte opte pour « carte », le banquier lui en remet une, face visible. En fonction de cette carte, le banquier pourra, s'il le souhaite, tirer également une carte supplémentaire. Le choix du banquier dépend en partie de la carte que son adversaire a reçue. Quoi qu'il en soit, il est maintenant temps pour les joueurs d'exposer leurs jeux. Le joueur avec le total le plus élevé est déclaré vainqueur. Les enjeux sont alors réglés à égalité.
Lorsque le ponte obtient une main de 8 ou 9, il abat immédiatement son jeu, une action qu'on appelle « table le point ». Dans ce cas, il est dans son intérêt de ne pas demander de carte lorsque sa main compte 6 ou 7. En revanche, s'il se retrouve à baccara (zéro), il demandera sans hésiter une carte, tout comme s'il n'a que 1, 2, 3 ou 4 points en mains. La question cruciale se pose lorsqu'il a un total de 5. Dans ce cas, il a approximativement 5 chances sur 13 de tirer une carte défavorable (5, 6, 7, 8 ou 9), 4 chances sur 13 de tirer une « bûche » et par conséquent de conserver son score inchangé, et 4 chances sur 13 de tirer une carte favorable (1, 2, 3 ou 4).
Cependant, malgré ces statistiques peu encourageantes, l'attitude du ponte ne doit pas devenir systématique : pour déstabiliser le banquier, il doit parfois « rester à 5 » (ne pas demander de carte) et à d'autres moments « tirer à 5 » (demander une carte). Dès lors que le ponte demande une carte, la responsabilité du choix « problème » se déplace vers le banquier : ce dernier doit alors décider de son action. Il faut noter que la carte tirée par le ponte est visible, ce qui permet au banquier de garder en tête le tableau de tirage (voir tableau 3) qui l'aidera à prendre la meilleure décision sur tirer ou non une carte. Le tableau de tirage est élaboré en tenant compte de la valeur du jeu du banquier et de la carte révélée au ponte. Par ailleurs, il est important de signaler que le croupier prend une commission de 5 % sur les gains du banquier, ce qui représente un prélèvement global d'environ 2,5 % sur l'ensemble des gains réalisés.
Le baccara à deux tableaux (la banque)
Dans cette variante, le jeu se déroule sur une table ovale, semblable à celle utilisée pour le chemin de fer. Le banquier est placé face au croupier. De chaque côté, on trouve cinq ou six emplacements marqués, offrant ainsi des places pour les enjeux. Les places situées à droite du banquier (numérotées de 1 à 5 ou 6) correspondent au premier tableau, tandis que les autres représentent le second tableau. De plus, le premier tableau possède une banque qui permet de miser sur le second tableau sans avoir besoin de se déplacer, et vice versa.
On utilise six jeux de cartes neuves, qui sont mélangées, coupées, puis placées dans le sabot, tout comme la version chemin de fer. Les règles concernant le banquier restent inchangées, à l'exception du prélèvement sur ses gains, qui se voit modifié en raison du fait qu'il joue contre deux jeux au lieu d'un seul. La commission passe alors à 2 %.
La principale différence réside dans le fait que le banquier peut gagner ou perdre sur l'un des deux tableaux ou sur les deux simultanément.
Pour commencer, le banquier distribue une carte à chaque ponte du premier tableau (choisi lors des enchères), une carte à celui du second tableau, puis une à lui-même. Il procède ensuite à la distribution de la seconde carte dans le même ordre. Si le banquier parvient à obtenir 8 ou 9, il abat ses cartes, les deux joueurs doivent également révéler leurs jeux, sinon, ils agiront successivement en suivant leur stratégie respective, indiquant lorsqu'ils obtiennent un 8 ou 9, en choisissant de dire « Non » ou en demandant une « Carte ». Le banquier peut alors décider de tirer une carte pour lui ou de rester avec ses cartes existantes.
Le croupier est chargé de ramasser les mises perdantes. Après prélèvement, ces mises sont ajoutées à la masse du banquier, et les paiements se font à égalité sur le tableau gagnant, ou sur les deux si le banquier a un score inférieur.
Chaque établissement de jeu fixe également un plafond pour les mises.
La banque ouverte (ou Banque à tout va)
Le déroulement du jeu reste majoritairement similaire si les mises ne sont pas limitées. Cependant, la banque ouverte est soumise à une réglementation spécifique, justifiée par l'importance des mises en jeu. Ce type de jeu n'est autorisé que dans certains casinos et à une table à la fois. De plus, elle est limitée à deux séances quotidiennes, dont l'une se déroule après le dîner. Chaque séance ne peut comporter que deux tailles. Pour chacune d'elles, on utilise six jeux de cartes. Enfin, tout joueur pouvant justifier d'une somme suffisante peut tenir le rôle de banquier. La banque peut être attribuée par séance, par taille ou par tirage. La commission prélevée sur les gains du banquier est alors fixée à 1,25 %.
Le tirage au baccara
Le processus de tirage au baccara doit être envisagé différemment selon que l'on occupe le rôle de ponte ou celui de banquier.
Si le ponte, avec ses deux cartes, totalise 8 ou 9 points, il est tenu d'abattre son jeu. En revanche, s'il a un score de 0 (baccara), 1, 2, 3 ou 4, il doit tirer une carte. La seule situation où il a un choix réel se présente lorsqu'il totalise 5. Pour améliorer son score, il doit alors tirer un as, un 2, un 3 ou un 4. Si une autre carte lui est révélée, soit celle-ci diminuera son total, soit, s'il s'agit d'une « bûche » (10 ou figure), cela ne modifiera pas son score. Le joueur a ainsi 5 chances sur 13 de diminuer son total en tirant un 6, un 7, un 8 ou un 9. Ses chances d'améliorer ou de ne pas modifier son score, ne sont que de 4 sur 13. Le ponte a également la possibilité de demander au croupier ce qui est connu sous le nom de « tableau ». Celui-ci, en fonction des probabilités, lui indiquera qu'il ne doit absolument pas tirer à 5. Il aura donc tout intérêt à rester, ce qui laisse au banquier la connaissance de sa position, qu'il a 5, 6 ou 7. Il peut également choisir de garder sa liberté d'action. Dans ce cas, il optera pour rester à 5 si sa plus forte carte est un 4, ou pour tirer à 5 s'il reçoit une carte inférieure à 4. Le tirage à 5 se produit en moyenne une fois sur quatre. La difficulté de ce choix est compense par le fait qu'il n'informe pas le banquier de manière aussi explicite. Le ponte peut avoir tiré parce qu'il a baccara, 2, 3 ou 4, ou bien il peut être resté avec 6 ou 7, possédant ainsi un score supérieur à 5.
Il est important de rappeler que la probabilité d'obtenir baccara avec ses deux cartes est supérieure à celle d'obtenir un autre total. Les statistiques montrent qu'il y a 14,8 chances sur 100 d'avoir un score de zéro et 9,5 chances sur 100 d'obtenir chacun des totaux de 1 à 9. Par ailleurs, lorsqu'une carte est tirée, la probabilité de sortir une « bûche » est d'environ 30 %.
Le banquier bénéficie d'un avantage considérable en raison de sa capacité à tirer parti de la réaction du ponte, notamment lorsque ni l'un ni l'autre n'ont révélé un total de 8 ou 9. Il existe un « tableau de tirage » établi à partir de calculs de probabilités. Ce tableau indique au banquier s'il doit tirer ou rester, en tenant compte de sa propre main et de la carte qu'il a remise au ponte. Le joueur qui tient la banque peut toujours, si sa mémoire lui fait défaut, demander au croupier de lui donner l'indication fournie par le tableau. Cette riposte automatique du banquier, bien qu'elle soit utile, n'est pas obligatoire et n'est pas non plus infaillible. En moyenne, cela offre la meilleure solution dans environ 70 % des cas.
Dans tous les cas, à moins que le ponte n'ait abattu 8 ou 9, le banquier, qui ne révèle pas non plus 8 ou 9, tirera s'il a baccara, 1 ou 2, tandis qu'il restera s'il atteint 7. Pour des totaux de 3, 4, 5 ou 6, il décidera de tirer ou de rester en fonction des demandes de carte qui ont été formulées et, dans le second cas, en fonction de la carte attribuée au joueur.
Le tableau suivant illustre les différentes situations, en supposant que les pontes ne tirent pas à 5. La première ligne horizontale représente la valeur de la carte donnée au ponte (de 0 à 9). La dernière case, marquée par la lettre N, correspond à la situation où le ponte a choisi de dire « Non », indiquant qu'il a décidé de se contenter de ses deux cartes. La première colonne de gauche dépeint le total des points du banquier (de 0 à 7). Dans le tableau, la lettre T conseille au banquier de tirer, tandis que la lettre R lui indique de rester avec ses cartes initiales.
Stratégie du banquier au baccara
Tableau Baccara
On peut ainsi conclure que :
a) Si le ponte ne prend pas de carte, le banquier tirera, sauf s'il a 6 ou 7.
b) Si le ponte prend une carte, il tirera toujours, quelle que soit la carte donnée au banquier, s'il a en main 0, 1 ou 2.
- S'il a 3 dans sa main, il tirera sauf si la carte donnée est 8 ou 9. - S'il a 4 en main, il tirera s'il reçoit 2, 3, 4, 5, 6 ou 7. Il restera s'il reçoit 0, 1, 8 ou 9.
- S'il possède 5, il tirera s'il reçoit 5, 6 ou 7.
- S'il a 6, il tirera s'il reçoit 6 ou 7.
- S'il a 7, il ne tirera pas, peu importe la carte reçue.
Lorsque des pontes tirent à 5, certaines modifications, bien peu nombreuses en réalité, doivent être apportées au tableau. Ainsi, le banquier ayant 3 et donnant 9 doit tirer. S'il donne 8, il peut choisir de tirer ou de rester, car les chances se valent. S'il a 5 et donne 4, il tirera également.
Une autre considération peut influencer la stratégie lorsque le jeu se déroule sur deux tableaux. Dans ce cas, il est important de considérer l'importance relative des enjeux.
Par exemple, imaginons que la mise sur le premier tableau soit double, voire triple, par rapport à celle qui est mise sur le second tableau. Si le banquier distribue une bûche au premier tableau à un joueur qu'il sait être tiré à 5, puis distribue un 6 au second tableau qui ne comporte qu'une mise minime, alors qu'il a lui-même 6. Il serait logique de tirer, conformément à la règle stipulant que celui qui donne un 6 doit tirer à 6. Cependant, dans cette situation, il est probable qu'il remportera une somme plus importante sur le premier tableau qu'il ne perdra sur le second. Au contraire, il aurait eu tout intérêt à tirer si le 6 avait été attribué au premier tableau et la bûche au second, car le gain potentiel sur ce dernier ne pourrait se transformer qu'en une perte par rapport à l'opportunité qu'il aurait de ne pas tirer sur le tableau à enjeux conséquents.
Les joueurs professionnels de l'histoire du baccara
Au fil de l'histoire fascinante du chemin de fer, l'un des personnages les plus illustres est indéniablement le grec Nicolas Dandolos. En outre, le consortium de joueurs le plus renommé fut sans conteste le « syndicat grec », dont la direction était assurée par un certain Nico Zographos, né à Athènes en 1886. À sa mort, il a laissé derrière lui une immense fortune de plus de cinq millions de livres sterling, principalement amassée grâce à ses succès au baccara. À son apogée, le syndicat grec « contrôlait » presque toutes les parties de baccara qui se déroulaient de Monte-Carlo à Cannes.
En 1922, le syndicat entra dans l'histoire du jeu en acceptant pour la première fois des mises illimitées au baccara. Les montants en jeu lors de cette période étaient vertigineux. Par exemple, en 1926, le syndicat pouvait se permettre de perdre 270 000 livres en une seule semaine, tout en étant capable d'accepter, le dernier soir, une mise d'un million de francs de l'époque sur une main unique, main que Zographos réussit à remporter. La seule perte réellement significative qu'a connu le syndicat grec fut celle infligée par les producteurs hollywoodiens Jack Warner et Darryl Zanuck, qui, en une poignée de jours, leur prirent la coquette somme de 347 000 livres sterling (ce qui représentait, en 1957, un pactole non négligeable).
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