Le "domaine de Forges" qui comprend un casino, trois restaurants, quatre hôtels, un golf, un spa et emploie 350 salariés, est le 5e du groupe Partouche, avec 35 millions d'euros de produit brut des jeux (la différence entre les mises des joueurs et leurs gains) hors Covid et 11 millions d'euros de chiffre d'affaires hors jeux. Un lieu où l'atmosphère vibrante des jeux d'argent attire des visiteurs de toute la France, en quête de sensations fortes et de divertissement.

Comme tout le secteur, il a dû fermer ses portes "80 jours durant le premier confinement puis 200 jours entre l'hiver dernier et le printemps, et a repris une activité très contrainte par le pass sanitaire", indique Fabrice Paire, président du directoire, soulignant que la résilience du secteur est mise à l'épreuve dans un contexte changeant. Les clients habitués sont revenus, mais la clientèle occasionnelle, qui représentait une part significative des revenus, reste désireuse de revenir.

"Aujourd'hui, les casinos français subissent une baisse de fréquentation de 30 à 35%, qui se retrouve moins dans l'activité, puisqu'on est aux alentours de -15 à -20%", dit-il. Car "l'essentiel des clients qui ne reviennent pas sont des clients occasionnels, à petit budget de jeu", précise Ari Sebag, PDG du domaine de Forges. Une dynamique qui incite les exploitants à repenser leur stratégie commerciale pour attirer un public plus large.

Le site de Forges-les-Eaux tourne en partie au ralenti: si les machines à sous du casino ont retrouvé leurs habitués, en semaine l'hôtel ne reçoit plus ni séminaires ni évènements d'entreprises, seule la brasserie le Bistro accueille des convives et aucun évènement n'est programmé avant un dîner-spectacle le 29 janvier. La nécessité de redynamiser l'ensemble du complexe devient urgente pour garantir la pérennité de l'établissement.

En application des protocoles sanitaires, les tables de jeu -poker, roulette...- ont été espacées et des machines à sous ont été retirées, dans le but de garantir la sécurité des clients tout en préservant une expérience de jeu agréable. Ce qui n'a pas empêché le groupe de continuer à développer ses installations, avec des projets ambitieux en perspective.

Fondé en 1973 et coté en Bourse depuis 1995, Partouche compte 4.000 salariés et exploite 42 casinos sur les 202 français, un club de jeux, des hôtels, des restaurants, des centres thermaux et des golfs. Le groupe est détenu aux deux tiers par la holding de la famille Partouche, et Patrick, le fils du fondateur Isidore, préside le conseil de surveillance. Des efforts sont mis en œuvre pour revitaliser l'entreprise au cœur d'un marché en pleine mutation.

- Offre de "jeux à distance" -

En juillet 2021, la municipalité de Forges-les-Eaux a renouvelé pour 20 ans la délégation de service public confiée au groupe, avec un taux de prélèvement sur les jeux relevé à 15% - le maximum permis par la réglementation - pour la commune. Partouche a promis d'investir 12 millions d'euros pour agrandir les surfaces de jeux et de restauration, un développement qui pourrait transformer l'expérience client et attirer une nouvelle clientèle.

Début 2020, le groupe a acquis 15% de la société La Pensée Sauvage, organisatrice dans le Vercors de séjours mêlant jeûne ou repas vegan, soins et randonnées. À Forges-les-Eaux, il veut aussi proposer, dans de futurs bâtiments, des séjours de "détente bien-être" encadrés par des naturopathes, indique Richard Frischer, directeur général du lieu. Cette diversification des services pourrait s'avérer cruciale pour maintenir l'attractivité du casino dans un marché compétitif.

"Malgré la situation actuelle complexe, nous continuons à investir. Pour nous développer, nous avons besoin d'espace", explique M. Paire, mettant en lumière l'engagement du groupe envers l'innovation et l'expansion. Aujourd'hui Partouche, comme ses concurrents regroupés au sein du syndicat patronal Casinos de France, rêve de pouvoir proposer une offre de "jeux à distance", qui serait "une extension électronique de l'offre de chaque casino", explique à l'AFP Philippe Bon, son délégué général.

Chaque établissement proposerait un nombre de tables de jeu et de machines à sous virtuelles égal à celui qu'il offre en physique. Cela permettrait au secteur de "se moderniser et de reconquérir une clientèle qui, pendant les confinements où les casinos étaient fermés, s'est tournée vers une offre illégale", dit-il. Mais cette proposition devra faire l'objet d'une expérimentation et d'une modification de la loi, afin d'assurer un cadre légal adéquat pour la pratique des jeux en ligne.

Interdits en France, les sites de casino en ligne "représentent des risques importants d'addiction", ne proposent pas de "mesures de protection des joueurs et de leurs données personnelles", et il n'existe "aucun recours en cas de non-paiement des gains", estime l'Autorité nationale des jeux, qui régule le secteur. Une situation préoccupante qui incite les acteurs légaux à plaider pour une régulation plus stricte des jeux en ligne.

Mais celle-ci "n'arrive pas à juguler les offres en ligne illégales qui pullulent", affirme M. Bon. Seuls quelques opérateurs sont agréés par l'ANJ pour le poker en ligne (Winamax, Betclic, Netbet...). Les enjeux de cette situation sont considérables, tant pour la sécurité des joueurs que pour la viabilité des établissements de jeu établis.