Ce projet de rénovation est véritablement une ode à l’architecte belge Léon Stynen dont l’âme plane sur le casino depuis ses débuts en 1929. Né en 1899, Stynen compte parmi ses ami·e·s visionnaires des légendes telles que Le Corbusier. Entre ses réalisations emblématiques figure le complexe artistique anversois De Singel, qui abrite actuellement l’Institut flamand d’architecture. Chaque Flamand·e reconnaît d’un simple coup d’œil les fenêtres uniques en forme de galets de son auditorium. En effet, le casino de Knokke représente à l'époque la plus colossale commande de l’architecte belge, tant sur le plan financier qu’en termes d’envergure artistique et culturelle.
Fort de cette prestigieuse carte de visite, Léon Stynen a réussi à s’imposer comme le maître de la construction de casinos en Belgique. Dans les années 50 et 60, le Casino-Kursaal de Knokke se transforme en un véritable temple international de la culture. L’année 1949 marque le début des grandes expositions estivales annuelles, attirant des sommités comme Pablo Picasso, Henri Matisse et, bien sûr, le fleuron national Magritte. L’avant-garde y trouve également sa place, avec des artistes de la stature de Joseph Beuys, Salvador Dalí, Robert Rauschenberg et Andy Warhol exposant leurs œuvres.
casino-kursaal-5
casino-kursaal-4
© FILIPPO BOLOGNESE IMAGES
casino-kursaal-2
Le côté mer, où les baies vitrées de 1929 de Léon Stynen, un temps obturées, ont fait l’objet d’une réinterprétation fascinante.
casino-kursaal-1
Le côté rue, avec sa structure en coque monumentale qui invite à accéder au lobby du casino.
Nouveau concours, 100 ans plus tard
Près d’un siècle plus tard, la commune de Knokke-Heist a décidé de réitérer son concours international d’architecture. Le 1er décembre 2023, presque 100 ans après que le jeune Léon Stynen ait été couronné lors de la première édition, le collège des bourgmestres et échevin·e·s a proclamé la victoire du bureau gantois Tab Architects. Sa mission résume en ces mots : « Sur le site du casino, il y a de la place pour quelque chose de très particulier, une confrontation épurée entre l’ancien et le nouveau, une création qui aspire à redevenir la figure de proue de Knokke-Heist et à lui donner une nouvelle dimension avec une aura internationale, tout en respectant le passé ».
Ce respect, les architectes Tom Debaere et Bert Bultereys, véritables artisans de cette renaissance, le témoignent en rendant hommage à Léon Stynen. L’inspiration qu’ils tirent de Le Corbusier, sa muse, est perceptible à travers la structure à coque monumentale qui se dresse côté mer du nouveau Grand Casino, qui ne manquera pas d’évoquer des références au musée Guggenheim de New York…
Les visiteur·euse·s auront le plaisir de découvrir un agencement en spirale similaire à celui du musée dans l’aire de réception centrale du bâtiment rénové. Pour éviter tout souci, Tab Architects a également choisi de s’associer à son partenaire de longue date, le bureau d’architecture espagnol Barozzi-Veiga, qui a déjà à son actif de nombreuses réalisations notables, tel que le projet en cours du quartier The View à Louvain. Ce dernier sites accueillera 160 logements, rehaussés par des espaces commerciaux et des jardins collectifs.
barozzi-veiga-2017
Pour le projet du Grand Casino, Tab Architects a fait équipe avec le bureau d’architectes espagnol Barozzi-Veiga, un gage de réussite pour cette rénovation.
tab-architects_tom-debaere-en-bert-bultereys-2024
Tom Debaere et Bert Bultereys du bureau gantois Tab Architects, les architectes innovants de ce projet emblématique.
Vue sur mer
Tab Architects met un point d’honneur à rétablir le lien initial entre le casino et la mer du Nord. À l’instar de Léon Stynen en 1929, qui avait su inviter la grande bleue à l’intérieur grâce à d’énormes baies vitrées. Malheureusement, celles-ci ont été obturées durant la Seconde Guerre mondiale, et le précieux revêtement d’origine en céramique a été enlevé. De plus, des colonnes massives ont été intégrées entre les surfaces vitrées, altérant la transparence élégante du modernisme de Stynen.
Cependant, les carreaux blancs émaillés de forme carrée sont revenus à leur place d’origine, comme en 1929. « Nous avons voulu restaurer le contact avec la mer, explique Tom Debaere. Mais les grandes baies vitrées, véritables accumulateurs de chaleur et de froid, nécessitent une analyse approfondie en termes de durabilité. Il sera toutefois plus aisé d’adapter l’isolation thermique à la structure rationnelle de Léon Stynen qu’à la façade actuelle. »
Fresque de Magritte
L’espace évènementiel du rez-de-chaussée, la salle principale du premier étage, surnommée la « salle du lustre », ainsi que les salles d’exposition de la salle d’art, pourront être utilisés ensemble ou de manière indépendante. Le belvédère offrira une vue panoramique sur la mer et le nouveau parc paysager. La salle de la rotonde, également appelée salle Magritte, qui est la plus remarquable, doit son nom à la fresque panoramique exceptionnelle Le Domaine enchanté, peinte par René Magritte sur l’ensemble de son périmètre. À ses côtés, Tab Architects a intégré un nouveau volume composé de trois salles d’exposition, bénéficiant de généreuses hauteurs sous plafond.
La salle d’art sera bien plus qu’un simple espace d’exposition. Un « parcours muséal » intelligent reliera les salles en boucle fermée. « Même avec un plan d’exposition strict, la flexibilité de l’infrastructure multiplie les possibilités à l’infini. » Sur le plan piétonnier des abords côté rue, un emplacement stratégique sera prévu pour accueillir les taxis et un service de voiturier. Cette zone drop-off garantira un accès aisé au Grand Casino pour toutes les personnes y accédant en voiture. Pour une arrivée en toute élégance, digne des palaces et des grands casinos d’antan…
INFOS PRATIQUES
Le coup d’envoi des travaux sera donné début 2026.
Les phases suivantes, incluant la rénovation complète et la transformation du bâtiment actuel du casino, sont prévues pour début 2029, tandis qu’une ouverture spectaculaire du casino rénové de Knokke-Heist est attendue courant 2032.
Grandcasinoknokke.be/fr